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The “Ecosystem” of Open Science: Tracing the Evolution of Ecological Metaphors in Discourses on the Digital Transition of Research (2023-ongoing)

La science ouverte, un “écosystème” ? Usages du champ sémantique de l’écologie au sein de la science ouverte (histoire des sciences humaines et sociales, analyse de discours, text mining, observations participantes, entretiens, network analysis…)


Depuis quelques années, le terme d’“écosystème” est mobilisé par nombre d’acteurs de la recherche pour désigner, selon des acceptions très différentes, l’environnement au sein duquel s’inscrit leur pratique. Nos recherches en cours à OpenEdition Lab pointent vers une première émergence de cet emprunt écologique à la confluence, dans les années 70-80, de la cybernétique et de l’interactionnisme symbolique, puis, dans les années 90-00, de la sociologie des infrastructures numériques et du management d’entreprises. Depuis 2010, c’est au sein des platform studies que ce champ sémantique s’est étendu à des problématiques de résilience par conception modulaire, d’adaptation incrémentale, de bibliodiversité, de viralité, de cycle de vie…

Les nombreux usages du champ sémantique de l’écologie pour comprendre la transition numérique des environnements de la recherche sont cependant très divers – les emprunts et leurs significations varient fortement – et très polarisés – dans leur performativité pratique autant que dans leur orientation politique.

Souvent, ces métaphores sont utilisées à dessein par les acteurs de la recherche afin de désigner un nouveau régime des savoirs, faisant intervenir de plus en plus d’acteurs non institutionnels occasionnant une fragmentation des infrastructures en une pluralité de plateformes interdépendantes, au sein desquelles doivent se coordonner une grande hétérogénéité de “stakeholders”. Ce nouveau régime, complexe et non linéaire, nécessiterait pour être compris d’employer une perspective holiste que seule une approche écologique permettrait.

Mais ces métaphores sont parfois explicitement rejetées comme les symptômes d’un régime néolibéral des sciences. Dans ce cas, le refus de ce vocable est accompagné d’une critique des injonctions à l’adaptation ou à la prédation, d’une vision étroitement naturalisante de la recherche qui perpétuerait la sélection des plus aptes en les jugeant, notamment, à l’aune d’indicateurs métriques.

Entre usage professionnel en contexte, catégorie d’analyse et mot d’ordre politique, le terme d’“écosystème” est un objet-frontière, c’est-à-dire qu’il permet à une pluralité hétérogène d’acteurs de coordonner leur action dans un “environnement” commun sans la nécessité de se mettre d’accord au préalable sur une acception univoque. C’est le cas également pour le syntagme de “science ouverte” selon qu’il apparaît dans des documents de politique, dans des articles scientifiques, dans le discours professionnel des acteurs ou qu’il est incorporé dans des pratiques.

Afin de débrouiller les différentes visions de l’“écosystème de la science ouverte” qui coexistent dans les espaces universitaire, politique et public français aujourd’hui, ce projet porte sur les discours écologiques sur la science ouverte. Au-delà d’une revue de littérature systématique automatisée, ce projet vise à réaliser une cartographie diachronique de l’émergence et de la circulation du discours écologique sur la recherche au sein d’un vaste corpus hétérogène comprenant des écrits de genres très différents (articles scientifiques, policy briefs, rapports, tribunes) autant que des documents oraux (cours, conférences, discours) et des métadonnées seules. Ce corpus est composé par moissonnage de sources ciblées : bases d’articles scientifiques, crawling de réseaux de recherche et d’infrastructures, archives d’institutions administratives, dépôts de cours et de conférences.

Il s’agit ensuite de créer à partir de ce corpus un réseau multicouche de documents, d’auteurs, de concepts, d’institutions et de disciplines. Ce réseau est constitué de manière semi-automatique, grâce notamment à des outils de reconnaissance des entités nommées, par la lecture et l’annotation manuelles de certains textes, ainsi que par l’enrichissement des vocabulaires et de leurs valences grâce aux observations et entretiens réalisés en parallèle à OpenEdition Lab.

À l’intersection entre le TAL et l’analyse de réseaux multicouches, ce modèle complexe permettra de documenter et visualiser la circulation des concepts écologiques entre disciplines, institutions, sphères publiques :

  • à l’échelle du vocabulaire, par la reconstruction des multiples champs sémantiques de l’écologie grâce à l’inventaire des termes et de leurs relations, de leurs nombreuses et parfois contradictoires significations ;
  • à l’échelle des textes, par le clustering par usages sémantiques et par l’analyse de réseaux de citations valuées par analyse de sentiments ;
  • à l’échelle du réseau, en identifiant des sous-ensembles comme, par exemple, l’“écosystème de la science ouverte”.